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Le cadeau

Ils m’ont dit : « Tu vas voir, tonton, tu vas adorer ! » Tu parles ! Putain de neveux ! Ils n’auraient pas pu faire comme tous les neveux du monde, se tenir la main et se mêler de leurs affaires ? Eh bien non, il a fallu que je tombe sur des neveux généreux, partageurs, altruistes et compagnie ! Ils m’ont collé sur le dos la croisière qu’ils avaient gagnée à la loterie ! Une croisière sur le King of Seas ! Moi qui ai déjà la nausée en pédalo, on m’a embarqué quasi de force, sur un super paquebot deux fois plus grand que le Titanic ! Deux fois plus sûr aussi ? Ou alors, c’est prévu qu’il coule deux fois plus vite pour abréger l’agonie des passagers ? Enfin, bref … J’aurais dû me montrer plus ferme et refuser le cadeau … Quand je me suis retrouvé sur le quai, au pied de ce mastodonte, j’ai cru que j’avais soudainement rétréci, et j’ai eu la vision d’une énorme fourmilière à la dérive sur l’océan … Mais poussé, bousculé par les milliers d’excités qui m’entouraient, j’ai été propulsé sur la passerelle qui donnait accès aux entrailles du monstre. Et là, comme dans un film de Sissi, j’ai vu défiler des centaines de mecs en uniformes à galons, à paillettes, à froufrous, à dentelles, de toutes les couleurs, qui me souhaitaient la bienvenue à bord, qui m’assuraient qu’ils feraient tout pour me satisfaire : la révérence, le baisemain, le pince-fesses, les pieds au mur, pendant que par les hauts-parleurs Céline Dion beuglait la chanson  phare du film « Titanic ». Je me suis demandé s’ils avaient invité Di Caprio pour hurler « I’am the king of the world ! » à la proue du navire !

Je ne m’étendrai pas sur les six jours monstrueux qui ont suivi. J’ai erré comme une âme en peine, de casino en restaurant, de salle de fitness en salle de bal, de cinéma en hammam, en compagnie de dizaines de ploucs au sourire béat, qui se demandaient ce qu’ils avaient fait pour mériter un tel bonheur … Le pire, c’est que certains tenaient absolument à me faire partager leur ravissement, à me raconter le plaisir qu’ils avaient éprouvé en apercevant de loin tel ou tel chanteur, ou telle ou telle actrice qui sortait son clébard, un soir de pleine lune.

Mais le pire du pire, c’était les escales. « Vous avez deux heures pour visiter, M’sieurs - Dames ! » Vous imaginez ? Deux heures pour visiter Gênes ! Trois quart d’heure pour atteindre le centre ville … Tu fais deux fois le tour de la statue de Christophe Colomb, et il est temps de repartir si tu ne veux pas rester à quai ! C’est probablement ce qu’on appelle l’alibi culturel de ces pièges à gogos …  Chers neveux ! Je sais bien qu’ils l’ont fait pour me faire plaisir ! En rentrant, je les ai remerciés chaleureusement, je leur ai raconté tout ce qu’ils voulaient entendre : les huit restaurants, les buffets pantagruéliques, les deux casinos, les cinq piscines, les boutiques de luxe, sans oublier bien sûr, la soirée à la table du commandant, sans préciser que chacun y passait trente secondes, le temps d’une photo souvenir ! Faux-cul jusqu’au bout, j’ai conclu par une phrase qu’ils ne sont pas près d’oublier : « Maintenant, je peux mourir, j’ai vu à quoi ressemble le paradis ! » 

J’en ai vu deux qui chialaient, dites donc !



19/10/2013
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