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La femme du dirlo.

     

   

     
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Une animation inhabituelle régnait ce matin-là, dans la salle des profs de l’école primaire St Charles. Plus que deux jours avant la fête scolaire, et il restait quelques points d’organisation à régler. Jean-Paul Trévise, dernier arrivé dans l’établissement et benjamin de l’équipe, écouta Xavier, son collègue de sixième donner les dernières informations concernant le déroulement du spectacle dont il assurait la présentation. Madame Jeanne, la responsable de la tombola, rappela l’importance vitale pour l’école, de la réussite de celle-ci et s’assura que chacun avait bien reçu son quota de billets à vendre pendant la fête.

-          Et le gros lot, c’est une nuit avec la femme du Dirlo ? lança Jean-Paul, pour détendre l’atmosphère.

Bingo ! Tout le monde éclata de rire, mais le jeune instit  ne savoura pas longtemps son triomphe…

La porte s’ouvrit. Le directeur. Les rires cessèrent aussitôt. Monsieur Buffet n’était pas commode.( Hum ! Voilà le genre de jeu de mots qui l’irritait furieusement, étant donné qu’il n’avait aucun sens de l’humour.) Avait-il entendu la réflexion de Jean-Paul ? C’était peu probable. La riposte aurait sans doute été immédiate, et le coupable vertement sermonné !

-          Vous n’avez pas entendu la sonnerie ? aboya-t-il. La récréation est terminée et vous devriez déjà vous trouver devant vos rangs. Les élèves attendent.

Tête basse, les enseignants s’empressèrent de gagner la cour sans demander leur reste. Jean-Paul poussa un « ouf ! » de soulagement. Fausse alerte !

Pendant la pause de midi, c’est dans la classe de madame Yvonne  que se réunissaient les trois ou quatre  enseignants qui ne rentraient pas chez eux. Ils piqueniquaient ensemble en commentant les derniers potins de l’école.

-          Au fait, elle est comment, la femme du patron ? questionna Jean-Paul. Du genre dame patronnesse ou croisement entre un pitbull et un dogue allemand ?

-          Détrompe-toi, mon vieux ! Elle est plutôt canon, madame Buffet !

-          Arrête … Tu me fais marcher …

-          Non, je t’assure ! Elle est beaucoup plus jeune que lui, et sexy comme pas deux ! La dernière fois qu’on l’a vue, c’était à l’apéro de fin d’année, et je te jure qu’elle a fait sensation avec son chemisier noir à demi transparent, tellement décolleté que tu avais l’impression que ses nichons allaient se barrer tout seuls, et le cul moulé dans un minishort blanc … Ah c’est sûr qu’il fait des envieux, le père Buffet !

-          Il a intérêt à assurer, alors ? Tu me mets l’eau à la bouche, là, Xavier !

-          T’es un grand malade, toi ! Tu ne vas quand même pas essayer de t’envoyer la femme du Dirlo ?

-          Qui sait ? répliqua le jeune audacieux, les yeux dans le vague, s’imaginant déjà dans les bras de la belle …

 

Toute la journée du samedi, la fête battit son plein, avec les numéros plus ou moins bien réussis des enfants sur la scène, les couacs de la sono, les disputes entre parents un peu éméchés, le discours de la présidente de l’association des parents que personne n’écoute. Bref, tous les ingrédients d’une fête scolaire réussie, qui s’acheva par le bal traditionnel.

Vers 22 heures, Jean-Paul ayant terminé son service au bar, rejoignit quelques collègues déjà attablés non loin de la piste de danse. Quelques minutes plus tard, le couple directorial vint s’asseoir auprès d’eux. Monsieur Buffet avait exceptionnellement laissé sa mine renfrognée au vestiaire, et arborait un large sourire, signe avant-coureur d’une profonde béatitude.

-          C’est toujours comme ça quand il a bu quelques verres … Dans moins d’une heure, il roupille, le mec ! chuchota Xavier à l’oreille de Jean-Paul.

Béatrice Buffet, quant à elle, était radieuse. Moulée dans une courte robe noire, elle s’entretenait avec Christine et Joëlle, deux institutrices dont l’âge se rapprochait sans doute du sien. Mine de rien, Jean-Paul se rapprocha du trio.

-          Tiens ! fit la belle Béatrice, ne serait-ce pas ce monsieur Jean-Paul dont vous me parliez tout à l’heure ?

Le jeune instit se sentit rougir. Elle le fixait droit dans les yeux, le sourire aux lèvres.

-          C’est bien moi, répondit-il. J’espère que mes collègues ne vous ont pas raconté trop d’horreurs sur mon compte ?

-          Rien du tout, justement ! Venez vous asseoir près de moi, je veux tout savoir de vous !

« Wow ! pensa-t-il, quelle entrée en matière ! » Obéissant aux ordres de la femme de son directeur, Jean-Paul parla donc de lui, de ses origines modestes, de son parcours … Elle le questionna sur ses goûts en matière de lecture, de musique, de cinéma, tandis que son mari peinait visiblement à garder les yeux ouverts. Jean-Paul savait que ses collègues l’observaient. Il leur adressa un clin d’œil. Le jeune homme, sûr de son pouvoir de séduction, voyait déjà la jolie dame se trémousser dans son lit.

-          Ch … Chérie, si … si on y allait ? bredouilla monsieur Buffet, mettant involontairement un terme aux manœuvres d’approche de son jeune instit.

Le couple prit donc congé et Jean-Paul rejoignit ses collègues.

-          Hé ! les gars, sans me vanter, je crois que j’ai une touche !

-          Laisse tomber, Jipé ! Tu cherches les emmerdes ou quoi ?

-          Mais je vous jure que c’est vrai ! La preuve ? En partant, elle vous a fait la bise, à vous ? Hein ? Non ! Mais à moi, si !

-          La belle affaire ! Une bise sur la joue !

-          Presque au coin de la bouche ! précisa Jean-Paul, que ses collègues continuèrent à chambrer gentiment.

Le samedi suivant, Jean-Paul Trévise décida de passer à la vitesse supérieure. Il savait que le directeur était parti pour le weekend, à la pêche en mer avec des amis. Le moment était idéal. Vers 14 heures, il sonna chez les Buffet.

-          Tiens ! Jean-Paul ! Quelle surprise ! Je suppose que vous venez pour mon mari, dit en souriant, la femme du directeur.

-          Euh … oui, effectivement,  j’ai un petit souci et j’aurais voulu lui en parler.

-          Je suis désolée, mais il est absent. Il ne reviendra que demain soir…

-          Ah … C’est pas de chance ! s’exclama hypocritement le jeune homme.

-          Mais vous ne voulez pas entrer ? Je peux peut-être vous aider …

-          C’est-à-dire que … oh … et puis, après tout … Mais je ne voudrais surtout pas vous déranger …

-          Vous ne me dérangez pas… Entrez, je vous en prie.

L’enseignant qui avait bien préparé son coup, confia donc ses pseudo-questions existentielles à la jolie madame Buffet qui lui prodigua en retour, de précieux conseils.

Jean-Paul était passé maître dans l’art d’attendrir les femmes qu’il voulait séduire.Il entrait d’instinct dans la peau du jeune garçon que toute mère a envie de protéger. Et Béatrice Buffet ne semblait pas faire exception à la règle. Aussi, lorsqu’en l’assurant de son soutien, elle posa la main sur son avant-bras, Jean-Paul crut que l’affaire était dans le sac. Il enroula son bras droit autour des épaules de sa compagne de canapé, tandis que sa main gauche lui effleurait les genoux et remontait sous la jupe. La réaction de madame Buffet fut, pour le moins, fulgurante. En une fraction de seconde, le Jean-Paul passa du canapé au tapis du salon. A plat ventre, un bras retourné dans le dos et le genou de la belle dame qui lui écrasait le bas des reins, le jeune présomptueux se souvint des mises en gardes de ses collègues. Mais ils auraient quand même pu lui dire que la femme du dirlo avait été championne de judo !

Lorsqu’elle relâcha son étreinte, l’instit se releva tout penaud et sortit sans demander son reste. Au moment où il franchissait la porte, Béatrice Buffet lui lança :

-          L’autre jour, mon mari vous a entendu.  « Ce n’est qu’un sale petit branleur !», m’a-t-il dit. Quand il rentrera, je pourrai lui confirmer qu’il ne s’était pas trompé !

 

 

 

                                                                       FIN


08/03/2014
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