Poésie, quand tu nous tiens ...
Retrouvailles
Les corps entremêlés froissent le satin mauve.
A bouche - que - veux-tu,
à souffles partagés,
il la retrouve enfin
après une longue absence.
Et de soupirs infimes
en sourds gémissements,
de mots tendres en caresses gourmandes,
ils abordent ensemble
aux rives du plaisir.
Maintenant côte à côte,
ils se cherchent des yeux,
ils se cherchent des doigts.
Une main frôle un sein
et un drap de silence
retombe sur la moiteur des corps.
Il gardera sur sa bouche
la brûlure de ses lèvres.
Il gardera sur ses doigts
la douceur de sa peau,
la rondeur de ses seins.
Il gardera dans ses bras
la chaleur de son corps.
Il gardera sur sa langue
les saveurs ambrées de son sexe.
Il gardera dans ses yeux
la tendresse des siens.
Il gardera tout cela
comme des pierres blanches
pour guider sa mémoire
pendant d'autres absences.
J'ai ...
J'ai, dans un coffret en bois,
quelques lettres sans timbre
que je m'envoie à moi lorsque je me sens seul.
J'ai des chansons sans notes
que personne ne chante
mais qui trottent tout bas quelque part dans ma tête.
J'ai une allée sans fin qui me conduit partout
quand je ne vais nulle part.
J'ai des fleurs de tendresse
que je cueille en hiver
pour tresser des couronnes aux oiseaux égarés.
J'ai des croissants de lune
qui se baignent le soir
dans le miroir fragile d'une tasse de thé.
J'ai des mots "tire-au-flanc"
qui s'échappent sournoisement
quand j'aurais besoin d'eux.
J'ai des baisers volés sur des lèvres coquines,
baisers sucrés - salés, croqués en amuse-bouche,
apéritif subtil qui fait briller les yeux.
J'ai des sacs de câlins
dont j'ai le plus grand soin,
que je garde en réserve
pour quand j'en ai besoin.
J'ai une armoire à rêves
dont je garde la clef,
où je vais m'enfermer lorsque le jour s'achève.
J'ai des tas d'histoires drôles
qui ne font rire que moi
et que je me raconte le soir au fond des bois.
J'ai une pierre qui roule, que je couvre de mousse
et qui se désespère d'avoir le cœur si froid.
J'ai dans le fond de l'âme
une symphonie démente de couleurs et de bruits,
mais elle ne peut sortir que les nuits de pleine lune
... s'il ne fait pas trop froid.
Marelle
Son visage s'approcha des fumerolles
qui montaient en spirales
du breuvage tremblant.
Elle y trempa juste les lèvres,
puis lança la marelle
au chemin indécis.
Le galet tournoya
en franges indociles
d'arc-en-ciel voltigeur.
Sur un pied, puis sur l'autre,
elle s'élança en sautillant
pour tutoyer le paradis.
Elle cria sa victoire
comme on chante la vie.
Entre balivernes et sornettes,
le silence palpitait tout autour.
Le ciel de l'enfance
serait-il une cour de récré?
Dérive ...
Dérivant au fil des mots
ou cueillant l'éclat de son rire
qui illuminait soudain le vif argent de ses yeux,
je la découvrais,
tour à tour libertine
ou très femme secrète,
le cœur ouvert à deux battants
sous une robe sage.
Alors, je l'écoutais
me dire le vent de l'aventure
dont je sentais déjà, sur ses lèvres-framboises, l'étrange goût salé.
Dans l'écume envoûtante de ses cheveux d'encre,
je respirais, c'est vrai, un air de liberté.
Entre ville et grand large,
entre plume et quatrains,
notre amour braconnier
fleurit comme une fête,
des premiers blancs flocons
aux feuillages de feu
d'un merveilleux automne
dont les brumes éparses ont, petit à petit,
estompé les traits de son visage.
Le temps cambrioleur m'a dérobé son âme.
Reste un souvenir flou
aux reflets incertains.
Restent quelques empreintes
de mots vert-de-grisés
sur fond de pages tendres.
Jours d'automne
Et si je te parlais de ces jours de novembre
où l'automne déployait ses parures étincelantes
pour nous faire oublier l'inéluctable hiver
et ses hordes glaciales.
Quelques chasseurs frileux arpentaient les sillons.
On les voyait à peine
à travers le brouillard de ton haleine sur la vitre.
Tu as tourné la tête.
Pour moi, ce fut l'été.
Le soleil en paillettes jaillissait de tes yeux …
Aujourd'hui …
La nappe est blanche et lisse.
Au centre de la table,
une rose t'attend.
Le champagne est au frais
et les bulles s'impatientent.
Pourquoi l'absence a-t-elle ce goût de cendres?
…